LA FIN DALBERT
LR. : Je voudrais juste quon parle de la fin de lhistoire. Alors, cest difficile den parler sans révéler trop de choses... mais disons quil y a une sorte de scène de " bouteille à la mer "... Est-ce que cest pousser linterprétation un peu trop loin que de comparer ce personnage à vous, qui lancez cet album... ED. : Oui !...(rires) LR. : ...en sachant, que de toute façon, ça ne changera pas grand chose... ED. : Evidemment que ça ne changera pas grand chose !... LR. : Oui, mais de la même manière que lui... ED. : On ne sait pas. Moi, jaime bien les fins ouvertes. Depuis Le Constat, et même avant, jai toujours pris soin déviter que mes livres soient des objets clos et terminés. Et jaime bien laisser une fin un peu ouverte, et cest le cas pour la plupart. Il ny a jamais de résolutions de choses à la fin de mes bouquins, en tout cas jessaye quil ny en ait jamais. Et donc la scène de La Gloire d'Albert, où Albert finit par mourir dans la gadoue, et a réussi "in extremis" avant de mourir à glisser son message dans une bouteille qui part dans une rivière, la bouteille va-t-elle sombrer cinq mètres plus loin ou rester accrochée cinq ans dans les racines dun arbre, on ne sait pas, à la limite, ça na pas dimportance. Ce qui mintéressait dans la scène finale, cétait de donner un côté presque grand-guignol à la scène. Albert meurt dans la boue en rampant comme un crétin, il parle à son chef, il apprend des trucs qui le dépassent. Et puis voilà, ils sont sous la flotte, à genoux dans la boue, je crois que je voulais vraiment faire quelque chose de grand-guignol... je crois que cest presque ça le terme... Parce que " grand-guignol " cest peut-être un peu fort. Cétait un peu mon projet... Cétait même carrément mon projet ! Albert est un peu fier de lui, mais il est en train de se vider comme un goret, et lautre écoute à peine... |
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LR. : Vous ne trouvez pas que vous êtes dur avec votre personnage.
ED. : (D'un ton sadique :) Si !... Bah oui, mais que pouvais-je faire dautre ?... Je ne sais pas... Cest le genre de trajectoire qui est vouée à la catastrophe... FG. : Lalbum est quand même plus noir en ce qui concerne la trajectoire du personnage que Le Réflexe de survie... qui était plutôt la trajectoire dun voyou jusqu'à une certaine prise de conscience... ED. : On ma souvent dit ça... Mais jai toujours pris comme un échec que lon me dise que Le Réflexe de survie était un polar chaleureux.. F.G. : Je nai pas dit " chaleureux "... L.R. : Disons quil y a une note despoir... ED. : Non, je ne crois pas... LR. : Mais si ! ED. : Cest vrai que Le Réflexe de survie se passe dans des ambiances estivales, lumineuses, avec des gens qui discutent, cest un album plus chaleureux, mais en terme de conclusion, si on prend chaque personnage du livre, que ce soit le S.D.F., le chef de gare, les deux petits voyous, nimporte quel passager du train, les problèmes quils ont à la page 1, ils les ont au moins autant à la dernière page, voire plus : cest-à-dire que le chef de gare na toujours pas de boulot, le S.D.F. est toujours S.D.F., le petit vieux est toujours menacé de se faire tuer, les petits malfrats sont dans une situation quasiment pire parce quils sont en passe de devenir S.D.F., mais cest vrai que dans le ton... cest là mon regret sur Le Réflexe de survie, cest quon me dit : " cest un bouquin optimiste ! " ; ce nest pas toi qui me dis ça, mais cest des journalistes, des gens... " un polar chaleureux ! "... alors que rien nest résolu à la fin ! Cest un truc pas vraiment implacable, mais dans lequel il ny a pas de progression. Donc là, jai un peu enfoncé le clou, sur celui-là, ça va. |
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GD. : Même si en même temps on peut prendre la prise de conscience finale dAlbert comme la dernière victoire quil pouvait avoir. Et la façon dont il le prend lui donne à la limite un côté moins pathétique dans ce moment-là peut-être.
ED. : Tu parles de la scène finale, quand il réalise... GD. : ...Quand il réalise ce qui sest passé exactement. ED. : Je ne sais pas, il est plutôt épaté, même admiratif de la façon dont... F.G. : Ah, je ne sais pas, javais plutôt pris ça comme une forme de lucidité... L.R. : Oui, moi aussi. ED. : De toute façon cest un peu tard... FG. : Certes, oui... ED. : Je pense à la scène où il ricane vaguement, mais bon il est déjà un peu dans lau-delà !... Mais je ne suis pas hostile à ce quon linterprète différemment de la façon dont moi je linterprète. Je pense toujours quun livre nexiste quà mi-chemin entre le lecteur et lauteur. Celui que jai fait nest sans doute pas celui que vous avez lu et cest très bien !... Cest la règle du jeu. |
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