LA GLOIRE DALBERT
LR : Depuis est sorti La Gloire dAlbert, au mois daoût dernier : personnellement, jaurais beaucoup de mal à résumer cet album, sans dévoiler trop de choses. Est-ce que vous, qui êtes peut-être plus rompu à ce genre dexercice que moi... ED : La Gloire dAlbert !... Cest un album avec une dimension parodique tout dabord, à savoir que lhistoire se déroule dans un cadre qui est celui dun son et lumière, en milieu rural, fait par un homme politique qui rencontre un succès inespéré, national, voire international : ça, cest la dimension parodique. Et puis, lautre aspect de cette dimension parodique, cest lenvie dun type assez obscur, un sans grade de passer à la lumière, de faire un truc notable, et dêtre un héros, davoir quelques jours de gloire, doù le titre, la Gloire dAlbert... et ceci au prix derrements quil va amèrement regretter. LR : Comment est née lidée de raconter cette histoire, parce que cest un thème sur lequel on marche sur des ufs : il est assez facile de déraper car lhistoire aborde quand même le problème de lextrême-droite, même si cest par un biais indirect. ED : Non, il ny a pas d'événements précis, mais il y a différentes envies, mes bouquins sont toujours des résultats de différentes envies que jai, qui viennent soit de choses que jai entendues, que jai lues, que jai vues... |
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LR : Quand vous dites que vous nen parlez que pendant une partie de lalbum, je ne suis pas daccord parce que tous les personnages que vous montrez, vous les montrez au moment où ils ont ce rapport à lextrême.
ED : Non, jai dit que c'était une partie du scénario, cest-à-dire que cest un des thèmes principaux du scénario. Et en fait, lidée que javais là-dessus, cétait de dire que le personnage que je représente nest pas un monstre. Cest-à-dire quil ny a pas lextrême-droite et nous. Je pense que les gens quon voit comme ça, dont on se demande comment ils peuvent penser ça ou dire ça, en fait ce sont des gens qui sont comme nous. Il ny a pas de frontière étanche entre les gens qui développent ce genre de thèses et nous. Cest une composante de chaque individu. LR : En fait, Albert ça pourrait être nous ? ED : Albert nest pas un type qui a un mauvais fond ; à la limite, il est plus bête que méchant... LR : À la limite, ce quon pourrait vous reprocher, cest de lavoir représenté un peu à limage du Beauf de Cabu... ED : Cest presque ça, c'est vrai... LR : Pourquoi lui avoir donné ce stéréotype graphique ? À moins que vous considériez que ce nen est pas un ? ED : Il a la moustache du Beauf de Cabu, il a vaguement sa bedaine, cest vrai ! Mais ce nest pas tant un stéréotype que jai voulu montrer quun type normal en fait. Cest un type normal au sens du français moyen, et en cela on rejoint le Beauf de Cabu, mais qui lui représente quelquun dil y a une vingtaine dannées à peu près. Mais cest un type normal, qui nest pas méchant, qui nest pas haineux, qui na pas de problèmes particuliers, cest un type tout à fait normal. Et ce qui mintéressait, cétait de montrer la proximité de ce type-là avec des gens comme nous tous. |
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FD : Alors justement, le fait de lavoir placé en position centrale dans le récit, parce quen fait, on voit tout par ses yeux, voire a posteriori, puisque cest un aperçu par flash-back, est-ce que cétait pour pouvoir lhumaniser plus facilement, pour que lon soit directement en prise avec sa vision des choses et que lon puisse apprécier les petites touches qui relativisaient le personnage ?
LR : On ne voit pas tout par ses yeux, notamment pendant les scènes où apparaisent les gauchistes...Mais cest vrai que cest lui qui raconte lhistoire ! ED : Il raconte lhistoire : on le rencontre au début du livre alors quil est déjà blessé, et dans lhypothèse où il ne pourrait pas raconter ce quil sait, il lécrit. Donc on suit lhistoire selon sa progression. LR : Justement, jai fait lamalgame, jai dit " parti dextrême-droite " alors que ce nen est pas un, mais cest un parti dont on voit à quelles idées il se rattacherait dans la réalité. Mais vous donnez au chef de ce parti les traits dun chef dextrême-droite dans notre réalité... ED : oui, c'est vrai...presque malgré moi ! (rires) |
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LR : Mais pourquoi ? Parce que cela contribue à faire lamalgame entre ces deux partis...
ED : Pour moi, à la tête de ce parti, que jai inventé, auquel jai donné un nom de fiction, il y a une sorte de monstre à deux têtes ( en tout cas, le récit a été écrit avant les problèmes qua connu le parti dextrême-droite qui existe en France ) ; donc dans mon esprit, il y a une sorte de personnage à deux têtes, cest-à-dire quil y a un type présentable, propre sur lui, qui monte un spectacle, un son et lumière, cest un mec qui sait sexprimer, qui ne déborde jamais, qui est nickel, et puis il a sa face dombre : sa face dombre, cest le type avec qui il a fait politiquement tout son chemin, mais qui lui est plutôt un homme de terrain, un ancien parachutiste, qui lui, a un côté très dur, un type qui est plus dans le concret. LR : Mais cest vrai que quand on le voit on lassimile tout de suite au chef du Front National. ED : Ce nétait pas un intention de ma part, en fait. Cest quasiment malgré moi... LR : ...Et il est bien reconnaissable. Mais daprès vous, quapporte cette dimension parodique que vous avez introduite dans lhistoire ? Vous faites référence à un spectacle, qui a lieu en Vendée : quest-ce que cela apportait à lhistoire davoir cet aspect parodique, de faire cette référence à notre réalité ? ED : La référence à la réalité dans mes bouquins est un souci depuis presque le départ : je travaille dans une veine réaliste où je me sers des choses réelles, contemporaines. Moi, je vis dans lOuest de la France, pas très loin des choses dont on parle, jen entends parler, je vois des gens qui y vont, qui trouvent ça bien, je connais même des gens qui y participent, qui trouvent ça bien et puis bon... |
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