LR : Pour les gens qui ne vous connaîtraient pas encore, on peut peut-être rappeler comment vous avez commencé dans la bande dessinée, et rappeler que votre première série parue chez un éditeur s’intitulait Les amis de Saltiel aux éditions Dargaud au début des années 90...

E.Davodeau : 1992, Janvier 1992 pour être exact.

LR : C’est une série de trois albums. Est-ce qu’on peut rappeler rapidement qui était Saltiel, le personnage principal ?

ED : Alors, très rapidement, Saltiel est le personnage principal de ces trois livres, c’est un photographe, une sorte de témoin d’événements qui arrivent plutôt aux gens qui sont auprès de lui, c’est pour cela que la série s’intitule Les Amis de Saltiel.
Ce sont trois histoires qui relatent d’une part les aventures d’un type caché en pleine montagne, et retrouvé par des gens qui lui veulent du mal, d’autre part une petite chronique au bord de la Loire, quelque chose d’estival sur un ton limite comédie, et le troisième tome était une intrigue qui se passait sur les lieux d’un tournage de cinéma (qui était le tournage de l’histoire du tome 1 de la série).

LR : Ensuite est paru Le Constat, deux ans après le dernier volume des Amis de Saltiel. C’était en 1995, 1996 ?

ED : C’est paru, je pense, en 1996, après deux ans de travail puisque c’était un livre qui faisait 100 pages, en couleurs (en bande dessinée, ça représente un volume important... en terme de travail en tout cas).

LR : C’est un album qui s’est fait remarquer, qui a connu un succès à la fois public et critique.

ED : " Succès public ", le mot est un peu fort, mais enfin disons que ça n’a pas été un échec commercial pour être précis... (rires). Et puis c’est vrai qu’au niveau critique, ça s’est bien passé.

LR : Quand vous étiez venu nous parler de cet album, vous le définissiez comme un road-comics : c’est un album dont l’intrigue se passe la plupart du temps sur la route.
On en rappelle les grandes lignes : il s’agit de Vincent...

ED : C’est une sorte de thriller, de road-comics, (qui serait à la bande dessinée ce que le road-movie serait au cinéma), qui avait trois personnages principaux, à savoir Vincent, un type d’une trentaine d’années qui essaie d’échapper à la mafia dans les griffes de laquelle il est tombé par faiblesse ; le deuxième personnage était Abel, un type très âgé, genre presque centenaire, un ancien communiste qui voulait faire un dernier voyage avant de passer l’arme à gauche, si on peut dire... Et puis il y avait un troisième personnage qui était Rose, qui était une routarde, qui était libre sans a priori, et qui était un peu le point commun entre ces trois personnages-là et le livre racontait une espèce de longue course-poursuite sur les autoroutes et les nationales de France avec diverses péripéties... Voilà...

LR : Juste après vous changez d’éditeur, vous passez chez Delcourt, peut-être provisoirement, et vous proposez un album intitulé Quelques jours avec un menteur qui possède un ton différent, un format différent, un nombre de page différent puisqu’il fait environ 120 pages...

ED : Cent quatre-vingt !

LR : 180 pages, pardon !... dans un format comics...

ED : Format roman, c’est un petit format.

LR : Cet album développait une sorte d’histoire qui ressemble au tome 2 des Amis de Saltiel, mais vous considérez Quelques jours avec un menteur comme plus abouti...

ED : Oui... en fait, l’histoire de Quelques jours avec un menteur est aussi une chronique avec un groupe de personnes qui est plus ou moins en vacances ; ça, c’est le point commun avec Les Naufrageurs : c’est un genre que j’aime bien, un genre où l’aventure ne prédomine pas, où l’on est plus attaché aux rapports avec les personnages, aux profils psychologiques et cætera...
Donc effectivement, c’est un peu le même domaine, ça me semble mieux développé, en tout cas moins raté, dans la mesure où cela s’est fait plus tard et je me suis servi de mes erreurs et cætera... Et c’est vrai que c’est un genre que j’aimerai bien renouveler de temps en temps... parce que c’est un truc où j’aime bien évoluer, à côté des personnages que j’invente.

LR : Alors juste après cet album, vous êtes entré dans la collection "Sang-Froid" chez Delcourt, qui rassemble plutôt des histoires policières, des thrillers, le plus souvent d’inspiration américaine, parfois française, et c’était avec un album qui s’appelait Le réflexe de survie.

ED : Le réflexe de survie... C’était, comme le dit le texte au dos du livre une variation inattendue sur un des thèmes fondateurs du polar qui est : l’homme à abattre.
C’était pour moi une façon de faire une sorte de polar qui n’en est pas vraiment un, et c’était en fait une histoire qui se passait dans une toute petite gare, avec des gens qui prenaient le train le matin, qui revenaient le soir, donc quelque chose d’assez routinier. Et puis l’incursion là-dedans de quelques éléments plus dramatiques, à savoir la menace de fermeture de la gare, le drame que cela représente pour le chef de gare qui était là depuis des années, et puis surtout l’incursion d’un jeune type, un jeune malfrat, une petite frappe, qui pense qu’avoir enfin quelqu’un à tuer comme dans les vrais films de Tarantino ou de Besson, c’était son heure de gloire, et donc il va être confronté à ça, le fait de devoir tuer quelqu’un, un petit vieux inoffensif.
Évidemment ça ne se déroule pas comme chez Tarantino ou Besson !

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"l’incursion d’un jeune type, un jeune malfrat, une petite frappe"